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| Sujet: Je t'attend dehors Dim 16 Jan - 13:23 | |
| Bon. Je vais d'abord vous présenter tout ça. J'ai commencé à l'écrire une après-midi, je n'avais rien à faire et pas d'ordi. Donc, je l'ai écrite à la main. Tout est dans un petit carnet, que je garde précieusement. Il y a un petit mois, j'ai commençé à la retaper sur word. Si dans mon carnet je suis au chapitre deux, je n'ai même pas fini le premier ici. Ce sont de longs chapitres, je vous laccorde, mais votre avis me ferait vraiment plaisir. Je t'attend dehors.PROLOGUE- Spoiler:
Une forte douleur traversait mon corps mais je ne m’en rendais pas compte. Peut-être avais-je trop mal ? Le sang tachait mes maigres bras, le froid mordait les extrémités de mes membres. Ses yeux ne me quittaient pas, les miens ne lâchaient pas son visage marmoréen. Tout trait d’anxiété avait disparut, il semblait apaisé. Moi aussi d’ailleurs, j’étais comme soulagée. J’aurais aimé rester là indéfiniment mais une force indescriptible m’encourageait à m’en aller. Une larme coula le long de ma joue ; elle était chaude, réconfortante. Et pourtant, elle m’incitait à fermer les yeux. Je ne voyais pas la lumière, ni le tunnel. Je ne voyais que lui. Son image se brouillait petit à petit. Bientôt, il ne resta plus que moi. J’étais seule, seule dans le néant. Cela aurait pu être effrayant si seulement j’avais été en capacité de réfléchir. J’étais si bien, je n’avais plus à me soucier de rien. Comme après un examen, on n’a plus rien à faire, on reste là, à attendre le résultat, mais au fond de nous, on connaît déjà la réponse. Alors, je m’abandonnais à mon destin. CHAPTER ONE (début)- Spoiler:
La sonnerie retentit dans tout le bâtiment, c’était l’heure d’aller à table. Une masse d’élèves arriva et boucha tout le couloir dans un bruit assourdissant. C’était comme ça chaque jeudi, le jour des frites. Dans cinq minutes, tous seraient à table et les frites auraient disparues. Je pénétrai dans la masse et me laissai trainer par le courant des élèves avides de nourriture. Nous débouchâmes enfin dans le réfectoire, une grande salle aux murs sales et délavés. Les premiers mangeaient déjà, vidant les grands plats fissurés débordants de frites. Les petites soupières, placées à coté restaient désespérément pleines, emplies d’un liquide verdâtre qui ne donnait pas vraiment envie d’y gouter. Je repairai une place et m’y précipitai mais un garçon blond plus âgé que moi fut plus rapide et me la prit. Je m’éloignai en quête d’une autre place, marmonnant tout bas. Lorsque, enfin, je trouvai une place, elle se trouvait tout au fond du réfectoire. Entre les chahuteurs et ceux qui, comme moi, n’avaient pas trouvé de place assez rapidement. Malheureusement, les grands plats à l’odeur de friture étaient désespérément vides. J’envisageai de me servir de la soupe mais un regard vers la chose m’en dissuada. J’irai, une fois de plus, me coucher sans manger. Je prêtai l’oreille aux discutions de mes voisins de table. Rien de bien intéressant. Une demi-heure plus tard, alors que je sombrai dans l’ennui, la cloche sonna. Tout le monde se leva et parti en direction des dortoirs. Le soir, les longs couloirs, mal éclairés, paraissaient menaçants et interminables. Les lampes dont les ampoules étaient épuisées depuis bien longtemps ne s’allumaient plus. Les hauts murs écaillés à la peinture jaunie étaient sales, poussiéreux. Une longue file se dressait déjà devant les toilettes. Je me faufilai jusque dans ma chambre, une grande pièce où une bonne trentaine d’élèves dormaient sur des lits superposés. J’avais de la chance, mon lit se trouvait en-dessous. J’avais donc de la place en dessous du lit pour entreposer mes maigres bagages. J’attrapai ma brosse à dent et rejoignis la longue file. Je me fis bousculer dans tous les sens et c’est seulement après une demi-heure que je pus atteindre les toilettes. Je me brossai vite les dents puis fit demi-tour, essayant de me frayer un passage jusqu’à mon lit. Lorsque j’y parvins enfin, les surveillants annoncèrent le couvre-feu et fermèrent les lampes. C’est donc dans le noir que j’enfilai mon pyjama. Je me glissai dans mon lit et fermai les yeux. Les chuchotements brisèrent rapidement le silence. Impossible de dormir avec des parlottes pareilles ! Après quelques minutes, ce n’était plus que cris, rires et exclamations. J’essayai tant bien que mal de m’endormir. Des voix graves retentirent au bout du couloir. Les surveillants. Ils nous intimaient de nous taire rapidement. Bientôt, les chuchotements furent si bas qu’ils n’étaient presque plus audibles et je sombrai.
« Drinnng ! » La sonnerie retentit. Chaque matin, à sept heures le bruit assourdissant nous tirait du lit. D’une main, j’attrapais mes vêtements, les enfilai en quatrième vitesse. L’avantage de ne pas avoir toute une garde robe de vêtements c’est qu’il n’y a pas besoin de choisir, même s’il m’arrivait assez souvent d’envier les filles avec leurs énormes valises qui débordaient de tenues. Je chaussai mes baskets et me précipitai dans la cour. La gym du matin. Aujourd’hui, c’était la prof de sport, madame Chesnay, qui la donnait. Elle nous compta. Il en manquait deux. Surement Tiphaine et Stéphanie, les deux pestes de deuxième. Il leur fallait une demi-heure chaque matin pour s’habiller. Elles faisaient partie des seules qui possédait plus d’une valise. Sachant tout aussi bien que nous qu’il faudrait encore attendre un certain moment avant que les retardataires nous rejoignent, l’enseignant nous indiqua les exercices du jour. Quelques séries d’abdos et trois tours de terrain. Nous nous couchâmes et commençâmes l’effort. Ce n’est que lorsque nous débutâmes la course que les deux filles pointèrent leur nez. -Vous n’auriez pas pu arriver encore plus tard ? Leur cria Mme Chesnay de l’autre bout du terrain, un air de reproche dans la voix. Elles fusillèrent la prof du regard mais elle ne craqua pas, contrairement à beaucoup d’autres enseignants dont l’autorité laissait à désirer. Les pestes commencèrent à trottiner en marmonnant. L’herbe fraiche encore humide à cause rosée matinale me mouillait les chevilles. Pourtant, cela ne me dérangeait pas. Au contraire, j’aimais cette sensation rafraichissante. Une fois les trois tours terminés, nous nous dirigeâmes vers nos chambres pour nous rhabiller. Je mis mon uniforme, un chemisier blanc aux manches retroussées, une jupe bleu marine qui nous arrivait aux genoux et des chaussures noires à tirette, ce qui était la dernière modification de l’uniforme – les lacets prenant trop de temps. L’hiver, des collants clairs recouvraient nos jambes. Le déjeuner était banal, des céréales fades, du lait dans des bouteilles démesurées. Quelques fois, du pain et de la confiture venait s’ajouter au menu. Le repas passa vite et bientôt, le surveillant nous conseilla de gagner nos salles de classes. Les classes étaient toutes identiques. Lorsqu’on ouvrait les étroites portes en bois dont la plupart grinçaient ou ne fermaient tout bonnement plus, on découvrait une pièce rectangle qui semblait trop petite pour accueillir la vingtaine d’élèves qui allaient s’y engouffrer quelques secondes plus tard. Les murs, auparavant d’un bleu vif était désormais éclaircis par le soleil et abimés par le temps. Cinq longues tables qui accueillaient chacune trois, quatre ou cinq élèves – selon les classes- étaient disposées en rang d’oignons. Un petit bureau, placé juste devant le tableau – trop sale pour être défini de noir – hébergeait le professeur. Nous entrâmes.
Les jours passaient et se ressemblaient. Plus le temps coulait, plus je m’effaçais. Personne ne me remarquait. J’aurais pu me faire enlever que ce serait passé inaperçu. Qui s’en serait inquiété ? -Mademoiselle Alice Smith ? Je sursautai. En ce moment, il m’arrivait assez souvent de me perdre dans mes pensées. -Oui monsieur ? Me ressaisis-je -Pourriez-vous répondre à ma question ? -Heu…. Le rouge me monta au visage et le professeur soupira. Il passa à quelqu'un d’autre, non sans m’avoir préalablement intimé d’écouter. Je ne savais pas si nous étions au début ou à la fin du cours, je ne savais même pas à quelle page nous étions. Un rapide coup d’œil chez mon voisin me l’apprit. À partir de là, la leçon s’étira en longueur. Les secondes ressemblaient à des minutes et les minutes à des heures. Dès que le prof avait le dos tourné, de petits bouts de papier volaient au dessus de nos têtes dès que le prof avait le dos tourné. L’un deux atterrit devant moi et je le regardais comme on observe un spécimen non-identifier. Je savais que je devais avoir l’air bête mais je ne pouvais m’en empêcher. Soudain, une main s’abattit sur le message recroquevillé. Je sursautai. Il avait déjà disparut et mon voisin s’affairait à le déplier. Le cours continua ainsi jusqu’à la sonnerie. Je ramassai mes affaires et me dirigeai vers mon cours suivant. Le cours de langue. Au début de l’année, j’avais opté pour l’Anglais, une langue que j’appréciais suffisamment pour en supporter les quatre heures. De plus, j’étais bilingue. Ce qui m’avantageait fortement. J’étais née aux Etats-Unis, sur une côte près de la mer, mais je ne me rappelais plus laquelle. La prof critiquait souvent mon accent, trop américain à son gout. Je m’en fichais, après tout, l’important n’est-il pas de se faire comprendre ? Ensuite vint le cours de science. Personnellement, je trouvais ce cours inutile. Quel était l’intérêt de savoir qu’une étoile de mer avait une carapace de calcaire sur le dos ? De plus, le professeur avait un discours las et sans intonations. Je fis mon possible pour garder un œil ouvert. Ensuite, le prof ayant terminé, j’allai m’asseoir sur un des bancs de l’étude. Je sorti mes feuilles et commençai à revoir. Chaque jour, après les cours, nous devions supporter trois heures de devoirs et de révisions. Cette nuit là, je n’avais pas bien dormi et maintenant, la fatigue m’assaillait. Malgré ma lutte acharnée, je finis par m’endormir. Par chance, personne ne le remarqua. Et très vite, mon inconscient prit le dessus. Je rêvais que je courrais encore et toujours, je fuyais quelque chose. Quelque chose qui m’était inconnu. Je n’osai me retourner. La chose gagnait de plus en plus de terrain. J’essayais d’accélérer, en vain. Soudain, je trébuchai sur quelque chose. Un caillou ? Et c’est seulement là que je me rendis compte d’où je me trouvais. Je courrais sur une longue plage déserte. Je la connaissais, elle était mienne, mais je n’arrivais pas à mettre un nom dessus, ni me souvenir d’où venait cette impression. La mer, toujours plus proche, me léchait les pieds. Je m’enfonçai dans le sable. Mes pieds disparaissaient, puis mes bras et mes mains. Tout devint noir et je me réveillai en sursaut.
La plupart des gens croit que notre destin est scellé d’avance, que dès notre naissance, les dés sont jetés. Je faisais partie de ces gens, peut-être trop extrémistes. Sans doute faisais-je fausse route. Mais il en aurait fallu beaucoup pour secouer mon quotidien. Il ressemblait à l’aiguille d’une horloge trop bien réglée qui ferait le tour du cadran avant de revenir à son point de départ et, sans transition, repartirait pour le même trajet. Nous étions samedi. Mais pas n’importe quel samedi, le premier samedi des vacances de Pâques. Pour moi qui n’étais pas croyante, ces vacances n’avaient d’autre intérêt que celui de se reposer un peu. Nous pouvions retourner chez nous, voir nos parents, se recueillir en famille, revoir nos amis du quartier. Tel étaient les arguments du petit discours annuel de la directrice, qui n’avait aucun intérêt pour moi. Parce que ma maison, c’étais ici, dans ce pensionnat qui sentait le moisi et le renfermé. Ou plutôt, je n’avais pas de maison. Je n’avais pas de famille, peu d’amis. Enfin, je ne connaissais pas ma famille. Une des éducatrices avait déjà essayé d’aborder le sujet, un jour. Elle n’en savait pas plus que moi. Depuis, je ne lui avais plus jamais adressé la parole. Je m’étais déjà renseignée, quand je croyais encore à l’espoir. On m’avait recueillie ici, alors que j’avais à peu près un an et demi. Je ne connaissais pas ma date de naissance, je n’avais jamais guère fêté mon anniversaire. Des cinq cents élèves de l’internat, seulement une dizaine restait pendant les congés dans cet endroit miteux. Neuf, cette année. Dans mon dortoir, nous n’étions plus que deux. Moi et une autre fille qui était en biologie avec moi, mais à qui je n’avais jamais adressé la parole. Les lits vides et vite faits donnaient à la chambre des airs de maison hantée. Pendant les vacances, les cours étaient suspendus, seule une heure d’étude vers 13h restait obligatoire. Les couloirs étaient interdits pendant la journée, seuls le parc, les chambres et la salle d’étude étaient autorisés. Je m’approchai de ma colocataire, une fille à la longue chevelure blonde, et l’interrogeai du regard. - Mes parents avaient trop de travail, soupira-t-elle. J’acquiesçai. - Et toi ? me demanda-t-elle. - Je…ne les connais pas. - Ah…désolé. À ce moment-là, quelqu'un frappa à la porte. Nous nous regardâmes un instant, puis je me levai du matelas pour aller ouvrir. Un garçon un peu plus âgé que moi se tenait debout, l’air fébrile. Ses cheveux bruns, coupés courts encadrait un visage ovale à la peau clair. Deux petits yeux bruns, presque noirs, trop rapprochés surmontaient un nez droit, légèrement retroussé. - Ca vous dit un cache-cache ou quelque chose dans le genre ? lança-t-il - Dehors ? demanda mon interlocutrice, qui s’était rapprochée. - Non, dit-il avec un sourire malicieux, à l’intérieur. - Mais on ne peut pas ! s’écria-t-elle. - Pourquoi pas. La coupais-je. Derrière mon air faussement blasé, j’étais surexcité à l’idée de faire enfin quelque chose d’intéressant. J’eus bien du mal à retenir le sourire qui tentait de s’allonger sur mon visage. - Venez, on a rendez-vous dans le parc avec les autres. Nous prévins-t-il. J’enfilai un sweat-shirt et des baskets puis lui emboitai le pas, suivi de l’autre fille. En marchant dans les couloirs, en direction de l’espace vert, je me rendis compte, que je ne connaissais pas leur prénom, ni de l’un, ni de l’autre. Ni d’aucun élève d’ici, d’ailleurs. Dehors, sept autres élèves nous attendaient, cinq garçons et deux filles, tous aussi agité que nous. Le jeu commencé, chacun parti en courant vers l’intérieur du bâtiment. Je me lançai en direction des vieux escaliers. Je savais qu’il y avait pas mal de placards autour de son palier. Je trouvai une antique armoire, mais au moment où j’allais rentrer dedans, je me rendis compte qu’elle ne serait pas capable de me contenir. Des pas se firent entendre. Trop lent et trop forts pour être un élève. C’était soit un éducateur, soit, pire, un professeur. Je jetai un coup d’œil circulaire, le couloir était un cul-de-sac. Enfin, presque, il restait l’escalier, ou plutôt l’amas de bois qui servait d’escalier. En priant pour que les marches ne grincent pas, j’empruntai ces derniers. Au-dessus, on accédait au grenier, encore plus interdit que les couloirs précédents, mais dont je me fichais d’autant plus. En haut, je courus silencieusement, passant les vielles portes des archives. Je finis par pousser l'une d'entre elles. Il faisait plus noir que dans le reste de l’étage, aucune fenêtre n’avait l’air présent. Seul un petit rai de lumière passait de la porte, en provenance du couloir. Une odeur de détachant flottait dans l’air, le silence pesait et la voix d’un éducateur, celui des troisièmes, me parvint par bribes. J’attendis qu’il s’éloigne, puis j’ouvris la porte, la lumière s’infiltra autour de moi et mes yeux commencèrent à s’habituer à l’obscurité.
Il n’y avait effectivement pas de fenêtre, juste une petite ampoule qui pendait au plafond et que ne me risquai pas à allumer. Après tout, la partie de cache-cache continuait. L’endroit, contrairement à toutes les autres salles du grenier, n’était pas constituée de plusieurs grandes bibliothèque d’archive. Elle était vide. Ces murs avaient l’air rugueux et irrégulier, mais en m’approchant, je m’aperçus que ce n’était pas la texture des murs, mais une multitude de post-It qui recouvrait l’entièreté de la surface des murs. Je ne voyais pas très bien, mais je pus discerner que des calculs et de petites phrases sans fin étaient inscrites dessus. Les phrases étaient dénudées de sens, en apparence du moins, et les calculs n’avaient pas plus de logique. Mais qu’elle était cette pièce, dont je ne connaissais pas l’existence. Pourtant, je pouvais me vanter d’avoir déjà passé plusieurs après-midi dans le grenier à me cacher, à râler ou espionner. Bien que cela fût interdit, j’étais déjà montée plusieurs fois dans les pièces de ce dernier étage. Continuant à survoler les petits papiers des yeux, je fini par remarquer qu’une phrase revenait plus souvent que les autre. Elle était plus poétique. On aurait pu l’avoir sortie d’une chanson. J’étais fascinée par cet endroit qui semblait irréel, tiré d’un rêve. Ma curiosité ne faisait qu’accroitre de minute en minute. Je m’assis au milieu, sur le plancher et restai là, à regarder les murs, obnubilée. Je relis la phrase une trentaine de fois, sans m’en lasser. Elle était écrite en différente langues. Des plus connues, bien sur, comme l’anglais, le français ou l’espagnol, mais je repérai aussi du Grec et, à coté, du latin. Deux ou trois fois, elle avait été écrite dans un langage qui semblait inventé. Comme toutes les autres, elle était dépourvue de sens. Les mots qui la composaient étaient magiques, flottant. C’était magnifique. Je n’arrivais pas à la comprendre, je la retournai dans tout les sens, sans résultat. Pendant un instant, je laissai mon esprit s’égarer et me mis à me demander qui pouvait bien l’avoir écrite. La cloche interrompit mes rêveries. Le repas était prêt. Prise de court, je jetai un coup d’œil à ma montre, une antiquité que j’avais reçue à ma naissance. Il parait que j’étais arrivée avec. Malheureusement, ses aguilles finement décorée indiquaient bien midi. Sans réfléchir, je sortis un papier et un stylo puis recopiai la phrase dessus, en Anglais pour qu’on ait plus de mal à la comprendre si jamais quelqu'un la trouvait. J’éprouvai le besoin de la cacher, de garder le secret pour moi et je ne savais pas pourquoi. Silencieusement, je me levai et marchai jusqu’à l’escalier. Je tendis l’oreille quelques seconde, juste de quoi m’assurer qu’il n’y avait personne, ensuite je descendis. Heureusement, je ne croisai personne. Je sentais mes traits encore tendus. Les autres le remarqueraient surement. Arrivée au rez-de-chaussée, je me mis à courir. J’étais déjà en retard, la cloche ayant sonnée depuis maintenant dix bonnes minutes. Mon pied vint buter contre un pavé mal placé. Je perdis l’équilibre, mais me rattrapai sur les quelques mètres qui précédaient la grande entrée donnant sur le réfectoire. Une fois devant, je m’arrêtai pour reprendre mon souffle. Rentrer rouge et respirant comme un bœuf ferait un peu suspect. Puis, je poussai la partie gauche de la porte. Gardant un œil sur la réaction des adultes qui mangeaient un peu plus loin, je vins m’asseoir près des autres, déjà tous attablés. - J’ai gagné. Lançais-je pour détendre l’atmosphère qui avait l’air tendue. Mes craintes furent confirmées lorsque personne ne bougea. Je me demandai s’il s’était passé quelque chose. Je failli demander la raison de cette dépression collective, mais une odeur désagréable m’y plongea à mon tour. La soupe aux légumes. Un mélange de potiron, de choux de carottes, de courgette et bien d’autres légumes. Cela pourrait faire envie, si les végétaux ne donnaient pas l’air d’être avariés. Habituellement, je n’étais pas difficile avec les légumes. La viande n’était pas mon fort, le sang me dégoutait, mais les fruits frais étaient surement mon plat préféré. Je plongeai ma vielle cuillère abimée et tordue dans le liquide brunâtre, arborant la même grimace que les autres. À contrecœurs, je le laissai couler dans ma bouche. Il me brula la gorge tout en m’apportant un horrible gout de pourriture. Je le sentis descendre jusqu’à mon estomac. Pendant tout le repas, nous discutâmes des activités de l’après-midi. Si une heure d’étude nous était imposée après le repas, le reste de l’après-midi restait libre. Le garçon qui était venu nous chercher prévoyait un match de foot dans le parc avec les cinq autres garçons et les filles, elles préféraient échanger des vêtements et discuter de mode. Rien pour moi, donc. Encore une après-midi vide et ennuyeuse. Je savais que tout les jours seraient pareils jusqu’à la rentrée, déprimants. Je ne sais plus trop comment, mais je me retrouvai soudain en train de penser à la phrase. Tentée, je ressorti le morceau de papier. Les mots glissaient sous mes yeux, magnifiques et intrigants. Aucun n’avait de synonyme. Aucune autre tournure n’était possible. Elle était…étrange. Je remis le message dans ma poche, comme pour le protéger. Si simple mais en même temps si complexe. Je soupirai, las. Soudain, sa signification m’apparut, telle une révélation. Je n’avais jamais vécu cela. C’était comme si je le savais depuis le début ; mais que je refoulais la vérité, de peur de la connaître et il y avait de quoi. Ce ne pouvait pas être possible. Pourtant… C’était évident. Sous le coup de l’émotion, ma tête se mit à tourner. Je voulu me lever, m’en aller, m’enfuir. Mais à peine debout, je vacillai. Le sol se rapprocha dangereusement de moi puis tout devint noir.
Où étais-je ? Que faisais-je ici ? Les murs blancs et écaillés, l’odeur d’éther, de désinfectant. L’infirmerie. Je ne venais pas souvent ici. Jusqu’à maintenant, il m’avait été très rare d’être malade, mais n’importe qui aurait reconnu cet endroit. Les causes qui m’avaient amenées ici me semblaient floues. Les souvenirs me revinrent par bribes. Le cache-cache, les pas qui m’avaient fait peur. Ensuite j’étais montée au grenier et là j’avais découvert la pièce. Puis la soupe aux légumes dont le gout amer stagnait encore sur mes papilles. Enfin, la phrase et … son sens. Rien qu’à son souvenir, mon cœur se mit à battre plus vite. Lorsque je voulu me lever, la tête me tourna. Je me rallongeai et mes vertiges se stoppèrent. Une main fraiche s’appliqua sur mon front. Je levai les yeux pour apercevoir son propriétaire. C’était l’infirmière, une femme plutôt basanée, âgée d’une quarantaine d’année. Ses traits étaient tirés. Ses cheveux bruns, approchants du noir, étaient attachés par une grosse pince violette. D’après les échos que j’en avais eus, elle était attentionnée, mais ferme. Elle n’était pas au pensionnat depuis longtemps, trois mois tout au plus malgré cela ce n’était pas le genre à se faire berner par le premier venu. - Reste allongée. M’ordonna-t-elle d’une voix ferme. D’un léger signe de tête j’acquiesçai. Devant son regard sévère, je n’avais d’autre choix. Puis, elle s’éloigna pour aller fouiller dans son armoire à pharmacie. Elle avait l’air vielle et la porte grinçait. J’aperçus l’intérieur par-dessus son épaule. Un ramassis informe de flacons et d’emballages occupait le tout, disposé en trois étages. Sans attendre, je glissai ma main dans ma poche. Du bout des doigts, je sentis le morceau de papier. Ses bords déchirés et son aspect froissé me confirmèrent que c’était bien le bon. J’en éprouvai un réel soulagement. Sentiment qui s’estompa vite quand je vis l’infirmière revenir avec un flacon et une cuillère. J’eus beau lui dire que j’allais bien, que c’était passé, elle me força à avaler l’horrible liquide. C’était froid, gluant et collant. Je sentis la bile remonter, mais me retint de vomir. Ce n’était pas le moment, j’avais d’autres soucis en tête. Il fallait, par exemple, que je me débarrasse de ce papier et de façon à ce que personne ne puisse jamais le retrouver. Peut-être devenais-je folle, peut-être paranoïaque, mais j’avais le pressentiment qu’il fallait mieux que je garde toute cette histoire pour moi, que ce petit bout de papier cachait bien plus de choses qu’il n’en laissait paraître. La première idée qui me parvint fut le feu. Bruler ce bout de papier était assez envisageable. Têtue comme je l’étais, je ne cherchai même pas à trouver plus simple. Cinq minutes plus tard, je décidai que j’avais passé assez de temps dans cet endroit infect. Je m’assis prudemment, silencieusement et jaugeai la distance qui séparait le lit du sol puis sautai lestement à terre. J’atterris sur mes deux pieds, mais dus me rattraper au lit pour ne pas tomber. Je sortis discrètement de la pièce. Je réussis à passer inaperçue et sortit dans le couloir. L’étude terminait dans cinq minutes. Déjà, j’entendais dans la salle adjacente des murmures vite transformés en chuchotements, sons bien connus indiquant la fin du temps imparti. Je jugeai inutile d’aller les rejoindre. Par contre, je devais me dépêcher, trouver un briquet, une allumette, quelque chose susceptible de bruler du papier. Pour cela, je ne voyais qu’un endroit, les cuisines. Je jetai rapidement un coup d’œil à l’horloge du couloir. Un vielle machine trop grande pour le mur, d’une trentaine de centimètres et trop lourde pour son clou qui menaçait de tomber. Autrefois rouge et blanche, elle arborait maintenant des couleurs délavés, assorties à tout les murs du bâtiment, ici. Son tic-tac bruyant et lassant en énervait plus d’un. Il était deux heure moins trois, sans compter le décalage entre les différentes horloges du pensionnat. À cette heure, la vaisselle était finie depuis longtemps. Normalement, il n’y avait plus personne derrière les fourneaux. D’un pas décidé, je passai les couloirs pour m’y rendre. Au fur et à mesure que j’en approchai, une boule de stress se formait dans mon estomac. Devant la porte, je marquai une hésitation. Et si il y avait tout de même quelqu'un, un intendant qui s’attardait, le cuisinier qui vérifiait les stocks, que lui dirais-je ? Surement pas la vérité, dans les tous les cas. Je fixai longuement le panneau qui ornait la porte. En lettres manuscrites, tracées à la peinture noire, était un inscrits un message pour toute personnes, principalement les élèves qui voudrait entrer dans la pièce. « Ne pas entrer. Réservé au personnel. » Jamais je n’avais mis un pied dans cette partie des bâtiments. Je n’avais jamais rien eu à y faire non plus. Silencieusement, j’ouvris la porte avec des gestes presque anormalement lents. Mon cœur battait la chamade, des pointes sortaient de la boule dans mon ventre, me transperçant l’estomac. Mes mains tremblaient. À l’encontre de mes soupçons, il n’y avait personne à l’intérieur. Je traversai la pièce et m’approchai du four. Si les allumettes servaient à l’allumer, elles ne devaient pas être loin. Les grilles avaient déjà refroidi, mais la suie restait dessus, tel un parasite dont on ne sait se débarrasser. J’ouvris les tiroirs alentours, ne trouvai que quelques épices, des essuie-tout et autres babioles inintéressantes. Je continuai à ouvrir les tiroirs, de plus en plus vite, sans rien trouver. Je sentais que quelqu’un allait arriver, que la porte allait s’ouvrir sur la directrice ou pire, sur l’affreux concierge, cet homme trapu et grognon, qu’en quatorze ans d’existence, je n’avais jamais vu sourire. Rien, rien, absolument rien. Mon pouls augmentait un peu plus à chaque fois que j’ouvrais une armoire. Mes craintes furent vite confirmées. Le bruit régulier de pas me parvint au bout du couloir. Si j’avais été en train de parler, je ne les aurais surement pas entendus, tant ils étaient silencieux.
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